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23 février 2008

LA REVISION CONSTITUTIONNELLE EN DEBAT

Modification de la Constitution : Pour un Front constitutionnel

Constituons une union pour la défense du sacré des textes que nous nous sommes donnés.
Patrice Nganang *

L'heure est grave. Devant l'hypothèse d'un changement de l'article 6 de la Constitution qui aurait bientôt mis à la retraite Paul Biya, les forces de l'opposition chez nous sont silenciées. Ces âmes courageuses, quand elles se mobilisent, se heurtent à la violence de la police du dictateur. Pour nous qui sommes à l'étranger, il est plus qu'alarmant de lire que l'un des rares héros qui nous fassent rêver encore, Mboua Massock, ne peut marcher comme il lui sied, lui qui pour seule arme n'a que ses pieds comme jadis Martin Luther King et Ghandi. Il est alarmant de lire que les partis politiques qui protestent contre ceux-là qui veulent déchirer notre Constitution se heurtent aux forces de la police. Il est alarmant tout aussi de lire que dans le même temps, les députés de notre soit disant Assemblée nationale se laisser acheter afin que leur vote n'en soit que plus facile.

La question que chacun d'entre nous qui aime encore son pays se pose, devant cette avancée publique de l'infamie est : que faire ? Je propose la formation rapide d'un Front Constitutionnel. Notre pays n'ayant dans les faits pas de Conseil constitutionnel, et notre Cour suprême n'ayant pas, de toute évidence, la latitude de siéger sur des cas aussi sérieux et délicats que les changements des textes de base qui définissent notre République, nous nous retrouvons avec la situation bien saugrenue ou seule la voix des députés de notre soit disant Assemblée nationale, en majorité du RDPC, trancheront sur l'essentiel des textes qui fondent la possibilité même de notre paix à tous. Un Front Constitutionnel est la réponse la plus rapide à apporter à telle infamie, car il est important que toutes les bonnes volontés de notre pays, basées ou non au pays, s'unissent pour défendre nos textes fondamentaux.

La paix civile n'est assurée dans un pays que lorsque les institutions y sont renforcées. Or devant l'évidente corruption de nos institutions, de notre Assemblée par exemple, devant l'absence de plates formes légales de recours, seul un Front Constitutionnel, répondrait à l'urgence avec laquelle il nous faut réagir aujourd'hui pour défendre notre paix. Seul un tel Front peut mobiliser les bonnes volontés autour de la défense effective de nos textes, de notre Constitution, et ceci dans la courte comme dans la longue durée. Les moyens qu'un tel Front utiliserait sont très nombreux, et ils vont des ustensiles classiques de la protestation, à l'activité bien évidente de conviction de nos politiques, et à l'éducation de nos enfants en général. N'est-il pas ironique que Paul Biya soit celui qui le plus ait besoin de leçons en patriotisme constitutionnel ? C'est qu'il est important dans notre pays d'inscrire un tel patriotisme, c'est-à-dire le respect du caractère sacré de nos textes fondamentaux, dans notre philosophie de la vie si nous voulons que notre pays survive. Un tel travail est de longue haleine. Il est cependant la seule garantie de notre paix civile.

Le patriotisme constitutionnel est fondé sur le fait que le projet national chez nous a été remplacé, surtout avec les années de braise, par notre fondamentale insistance sur nos droits à chacun. Or ceux-ci ne sont pas connus de toute évidence. Ils sont acquis dans un combat permanent, ou alors au long d'une éducation. Un tel patriotisme est surtout lié au fait qu'avec ses moins de cinquante ans, notre pays est encore très jeune en réalité. Entre nous, si rien, même pas nos deux langues officielles, ne peut nous faire croire qu'un Moundang aurait été dans un même pays qu'un Bassa s'il n'y avait eu la colonisation, rien ne peut non plus garantir que l'un ne coupera pas la tête à l'autre demain. Notre Constitution elle au contraire, votée qu'elle est par nous-mêmes, peut longtemps encore nous tenir ensemble. Elle est notre pacte pacifique.

Nous devons défendre notre Constitution parce que c'est la seule chose qui nous unit. De mon point de vue, bien sur les écrivains ne peuvent qu'être aux avant-gardes d'un Front pour la défense de notre texte fondamental. Ne sont-ils pas ceux qui à leur table suent chaque jour devant des mots ? Ne sont-ils pas ceux pour qui un mot, une phrase, un texte, un livre même manuscrit est sacré ? Dans l'urgence de l'action que nécessite l'hypothèse de Biya aujourd'hui, peut-être pouvons-nous donc, écrivains Camerounais, vivant au pays comme dans la diaspora, pour une fois nous unir autour de ce projet simple : défendre le sacré des textes que nous nous sommes donnés. Peut-être pouvons-nous ainsi faire Front avec les forces qui, dans les rues de notre pays, avalent les gaz lacrymogènes et nous donnent notre première leçon de patriotisme constitutionnel. L'avenir de notre pays en dépend.

* Ecrivain  source Mutations 220208




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