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ETUDES CAMEROUNAISES
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9 avril 2008

SEVERIN CECILE ABEGA. UN SAGE


Séverin Cécile Abéga : Hommage en Anthropologie
D’après ce soci-politologue, l’anthropologue décédé est un sage.
Par Vincent Sosthène Fouda*

Ekang bëse biso elang elang ééé !
Ééé éee!
Ekang bëse biso elang elang ééé!
Ééé ééé!
Beti benanga m'asug Ekang éée!
Eée éée ééé ééé
Melo'o m'abah,
Maba yi fo
Ekang bolo'o
Esagom
Madzo m'Ekang bolo'o
Esagom
Mëne Ekang mbolo
Esagom
Esangom mbo betoa
Yaaaaaaaaaa!
C'est au rythme de l'Esani symbole de la vaillance que la communauté universitaire s'incline devant toi ! Es-tu toujours là ? La mort a frappé très tôt à ta porte pour t'inviter à la suivre aux pays des initiés, les seuls autorisés à manger la vipère ! De l'autre côté du fleuve Mendim me Yom! Pour toi donc, les guerriers Seigneurs de la forêt ont retrouvé leurs lances et ont invoqué les mannes des ancêtres. Les Bimanes dans leur détresse se trémoussent dans leur misère, tu as dit misère ? Mais ils restent fiers comme au Ministère du Soya avec ce fou de Garba ! " Vous pensez que vous n'avez pas besoin aussi de quelqu'un ? Sé vous à l'hôpital, vous ne soignez que ton frère, votre ami, vous ne soigner pas les autres…Vous commandez là-bas, moi aussi zé commandé ici. Allez m'ackiser ". Je voudrais bien porter ma plainte, ma complainte plus haut chez le Gomna, mais ai-je ce qu'il faut pour mouiller sa barbe ?
Arrête Abéga, Estrellito le pistolero ton bourreau vient de faire son entrée pour les épousailles éternelles, Gorki Maïssa le Sénégalé est là, Banda l'enfant de Vimli proche des deux Tanga, celui des Blancs et celui des noirs, de Mongo Beti sont là pour te tenir la patte ! tu siègeras à la table du Seigneur ( Tebele Nti 1995)
Les femmes, celles qui t'ont suivi depuis la nuit des temps, depuis le victorieux retour de la femme d'orphée, depuis ton lointain village dans la grande forêt de Sa'a, depuis le Collège Bullier où tu fis tes premiers pas auprès des Frères Maristes québécois, aujourd'hui même dans leur Résidence de retraite de Château Richer sur le Mont Champagnat ils prient en chœur pour toi afin que la Lumière ait ton âme et que ta poussière devienne le limon qui fertilise à jamais la terre de tes ancêtres. Les femmes oui, elles, celles qui t'ont accueilli sur leurs genoux (Henri Ngoa) celles qui te percent encore aujourd'hui pour cet ultime départ elles boiront enfin le Wiscky ! (2004) Amala (2005).
Oui, moi aussi je suis de ce peuple, le grand peuple des Seigneurs de la forêt, le peuple Ekang qui a sa demeure ici et là-bas. C'est pourquoi je m'habille des traces qui subsistent dans ma mémoire pour rendre hommage au fils du Nyong, au romancier, à l'anthropologue, à l'enseignant et au compagnon de route comme on dit dans la scholastique jésuite. Je le fais afin que ceux et celles qui ne savent pas, entendent, qu'ils apprennent comment le fils du Yom est parti.

Abéga fils du
Nyong mendin me Yom
Tu es né dans la grande forêt de Sa'a mais ton papa instituteur a tenu que ton cordon ombilical soit enfoui dans le rhizome du bananier à Ntom-Lebel y a 52 ans et ceux qui savent disent que tu appartenais autrefois à la paroisse de Nkol Mebanga c'est-à-dire montagne où poussent sans cesse les tubercules de macabo c'est pourquoi tu as toujours affectionné les hauts vols, pour demeurer sur la montagne mais elle est-elle sainte ? Seuls les Pygmées nous le dirons - je ne manquerai point à cette cérémonie nuptiale tant chantée pour toi par Francis Bebey. Un jour tu as suivi les pas des aînés jusqu'à l'école et tu y es resté. Tu as rencontré une nouvelle famille, tu as souhaité être écrivain et dès la classe de cinquième tu as commencé la rédaction des Bimanes - le Frère Laurent Potvin ton professeur de l'époque me l'a confié aujourd'hui à Tebele Nti. Là tu as excellé, maniant le verbe dans différentes langues à la perfection comme en témoigne tes nombreuses publications. Je me résigne à parler de toi au passé ! Quoi de plus normal tu ne reviendras pas non jamais ! Tu fus un anthropologue chevronné parmi les meilleurs que compte notre pays, les mots sont de Philippe Laburthe-Tolra dans son dernier ouvrage Le désir d'Ariel ou la grande conversion des Seigneurs de la forêt. Beaucoup ont tenté de te suivre dans un esprit de filiation, avec tous les faux pas que cela implique. Je te propose d'accepter ces hésitations et ces faux pas, fébriles moissons mais honnête moisson même si nos fleurs peuvent être regardées comme de la mauvaise herbe. Nous t'exprimons toute notre gratitude car en bon maître tu as su infléchir de façon décisive notre conception du monde Ekang. Notre dette à ton égard est donc indiscutable.

L'anthropologue et le romancier….
Beaucoup retiennent de toi, un grand peintre de la société camerounaise à travers tes romans, d'autres ont vu en toi un philosophe, le fabricateur des idées et c'est à ce titre qu'on a eu recours à toi à plusieurs reprises. Je t'ai adressé une invitation le 5 avril 2007 pour le colloque " Anthropologie des cultures globalisées. Terrains complexes et enjeux disciplinaires ". Entre deux bouchées de crevettes depuis Kribi tu nous as proposé deux thèmes majeurs qui aujourd'hui nourrissent encore notre réflexion : " Le retour des jugements de valeur dans les sciences humaines ", " La fabrication du sauvage au troisième millénaire " C'est en cela que tu es vivant, comme un sage tu ne prends plus la parole ! Tu la laisses et tu hoches la tête en signe d'approbation ! Tu as droit à ton plat de vipère tu es désormais un sage parmi les sages !
Je voudrais dire autre chose : Abéga, tu as été l'homme qui provoque simultanément la réflexion du philosophe et celle de l'homme simple non simpliste. Eclaireur, bêcheur tu l'as donc été pour plus d'un pourtant tu n'es pas passé comme un météore, tu as marqué des générations de camerounais et tu m'as convaincu que le caractère unique de l'âge, le tien, 52 ans, mais aussi celui dans lequel nous vivons ne peut être saisi rationnellement si l'on ne comprend pas qu'il est le résultat d'une corruptio optimi quae est pessima.
De celui qui suit le sillon que tu as tracé, dans différents endroits, collège Bullier, Université de Yaoundé pendant longtemps l'unique université du Cameroun, Université Catholique d'Afrique Centrale, les nombreuses publications comme ces contes de la forêt , tu attends une profession de vertu, qui lui donne la volonté et la capacité de poursuivre l'analyse de la réalité dans des conditions que tu disais toi-même "désespérées", et qui lui font âprement ressentir son impuissance. Je suis profondément convaincu que le réalisme lucide et désabusé auquel tu nous as convié n'est possible que pour ceux et celles qui, en cultivant l'amitié, trouvent la force de manier l'humour. Le tien, je l'ai connu et reconnu dans chacun de tes textes.

Abéga, tu as mangé ta dernière vipère,
Tu viens de traverser le Yom,
Pourquoi te précipites-tu ?
La mort n'est pas un jeu de songo'o
Oh zorro !
Tu ne parleras plus de honte (2006)
La tienne tu la lègues en héritage au chien
Je voudrais te faire une rime avec Zarathoustra
Je n'y arrive pas pauvre Abéga

J'ai pris la parole parce que tu ne peux plus la prendre, j'aurais souhaité la recevoir de toi mais hélas ! J'ai pris cette parole ! J'ai parlé ! Ceux et celles qui ont les oreilles ont entendu jusqu'au delà du grand fleuve.
Ekang bëse biso elang elang ééé!
Ééé éee!
Ekang bëse biso elang elang ééé!
Ééé ééé!
Beti benanga m'asug Ekang éée!
Eée éée ééé ééé
Melo'o m'abah,
Maba yi fo
Ekang bolo'o
Esagom
Madzo m'Ekang bolo'o
Esagom
Mëne Ekang mbolo
Esagom
Esangom mbo betoa
Yaaaaaaaaaa!

* Socio-politologue Université du Québec à Montréal
Chaire de Recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie
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