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ETUDES CAMEROUNAISES
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19 mars 2008

CAMEROUN: POUDRIERE EN ATTENTE D' EXPLOSION

Eclairage de SHANDA NTONME

Emeutiers des diables ou martyrs des peuples ?

Lorsque les étudiants se déversent dans la rue en mai 1968 en France pour contester un régime qui, à leurs yeux, n’était plus très loin de la monarchie et ne correspondait plus tout à fait aux exigences d’un monde plus moderne, le général De Gaulle comprit, sans se faire prier, qu’il était temps de s’en aller. Le geste qu’il voulut solennel, prit la forme d’un désaveu constitutionnel construit par la voie référendaire. L’histoire récente nous renvoie à la Guinée Conakry, où un président chroniquement malade, ordonna à son armée de briser la jeunesse engagée dans une vaste contestation populaire. Les enfants ne demandaient qu’à vivre mieux, qu’à ne plus voir leurs parents pleurer le soir à la maison à cause des souffrances quotidiennes. Leur peine était immense, et toute l’Afrique assista avec le cœur serré, à un des plus chagrinants épisodes de l’histoire sociale de ce coin de la planète.

Mais avant cela, nous avions assisté à la chute mémorable de Moussa Traoré, un dictateur qui avait trôné pendant deux décennies à la tête du Mali, et qui un matin fut déposé par son armée, suite au soulèvement violent de sa jeunesse. C’est encore sur un mouvement d’écoliers qu’il tenta d’écraser avec ses baïonnettes, que le bouffon empereur moderne de Bangui, fut bouté hors du pays. Comment ne pas rappeler le cas de Tsiranana à Madagascar ? Le tout puissant président tomba suite à une banale revendication des étudiants de l’université de Tananarive. L’armée avait tiré sur les enfants, et les parents avaient rejoint les survivants dans la rue. Ainsi finissent les dictatures sales et têtues qui ne veulent ni voir, ni écouter, ni demander pardon.

(…) J’ai cru entendre que quelques gens bien pensants ont demandé où sont passés les voix et les écrits des Shanda Tonme et autres rescapés de la guerre sale qui a détruit l’académie et noyé honteusement l’intelligentsia du cameroun. J’ai donc cru comprendre que mon pays le Cameroun, était entré dans le même cycle de malheur et d’obscurantisme dictatorial menant à la paix des cimetières.

La situation qui s’est présentée à nous au Cameroun en cette fin de mois de février 2008, ne valait-elle pas une anesthésie de l’esprit et une épisode de crise cardiaque sévère ? Nous sommes allés à l’école en écoutant nos professeurs parler des caractéristiques des dictatures. Nous nous sommes souvent réveillés en écoutant sur les ondes internationales, comment ailleurs dans le monde, l’armée et les chars pouvaient écraser des manifestants aux mains nues. Nous avons entendu parler de la révolte de Varsovie, du coup d’Etat du Chili, du génocide du Rwanda, et tout cela. Mais jamais, nous ne pensions vivre le calvaire du citoyen dont le pays fait les premières pages dramatiques des médias internationaux, parce que des gens sont, semble-t-il, balancés par dessus des ponts et survolés par des hélicoptères menaçants.

La vérité sur la marche révolutionnaire du monde et l’expression de l’histoire, n’est pas une affaire d’idéologie, ni une expertise de gouvernants bien arrogants. La vérité c’est celle qui tire sa substance de la vie de tous les jours, de la négation des droits élémentaires de vivre décemment, de se soigner et de s’éduquer. Le diable est dans le corps de ceux qui font tout pour renier ces droits aux gens, et qui condamnent les enfants à peine sortis du lait maternel, à des destins sans gloire, au désespoir éternel.

J’ai entendu dire que dans mon pays le Cameroun, des sorciers avaient réussi la prouesse de transformer en enfants soldats, des masses de jeunes gens désœuvrés et meurtris. J’ai entendu que la colère de ces bandes de citoyens condamnés à la misère, avait valu plusieurs milliards de casses et d’autres désolations. J’ai entendu que ces braves garçons et jeunes filles, étaient tombés ensanglantés. Mais alors, je me suis souvenu qu’au lendemain de leurs colères volcaniques, les gouvernants se sont rapidement réunis pour repenser la conduite du pays et le prix de la vie. Ils ont changé le prix du pain, pour répondre au petit tas de cadavres issu des manipulations des sorciers sans scrupules qui n’ont pas craint de troubler la quiétude du prince et d’attenter au sommeil de son pouvoir.

Voici donc montés de la rue, de Conakry à Yaoundé, les échos de ces mouvements qui font l’histoire, et construisent les révolutions. Le sens des mutations sociales n’a jamais été trahi par quelques explications grossiers d’individus à la solde du mensonge. Que ceux qui comme hier en Afrique du Sud, traitaient les combattants en quête de survie et de dignité de simples marionnettes des forces de l’ombre, s’attendent inévitablement au jugement sévère de l’histoire, et à une impardonnable condamnation. Le Président de la France a bien voulu honorer la mémoire d’un jeune de 17 ans, Guy Moquet, dont le courage patriotique est resté gravé dans les actes qui ont marqué la conscience de son peuple. Se lever spontanément contre les injustices ou s’engager à lutter pour briser les chaînes de l’oppression, du mensonge et de l’ignominie, c’est se donner en martyr pour son peuple.

A la vérité, personne ne naît criminel, casseur ou martyr, et aucun parent ne souhaite voir sa progéniture dans le rôle de casseur, de voleur ou de criminel. C’est la société qui fabrique les casseurs et transforme les citoyens en loups les uns pour les autres. Autant dire tout de suite, que ceux qui ont gâché le destin des enfants, sont des criminels qui s’ignorent.

L’Afrique au stade où elle se trouve, promet d’écrire des pages très dures de l’histoire de l’humanité. Ce que les enfants des villes et des campagnes camerounaises ont engagé en cette fin du mois de février 2008, n’est qu’un fragment d’une épisode qui consacrera sans doute, bientôt, la reconnaissance d’une espèce humaine nègre piétinée par ses propres géniteurs et livrée à la vindicte d’un monde impitoyable. Au plus profond de nos cœurs et de nos subjectivismes, nous devons garder la mesure de l’honnêteté, le minimum de recul sans lequel, nous ne sommes plus que des criminels insensés.

Il faut donc ici, en appeler au repentir de tous les salauds des temps présents, ceux qui, voués à la conquête sans fin et sans limites de privilèges et des prébendes, ont choisi de confondre les faces sales avec les faces propres de la vertu. Sommes nous donc obligés de nous prostituer tant, pour si peu, pour une si petite vie qui de toute évidence, n’excédera point cent ans sur la terre, et ne sera enfin qu’un bref passage au regard de l’histoire éternelle de l’univers ?

Je veux dire et assumer, dans cette qualité de citoyen libre, de père de famille, et d’être humain vertueux, qu’il n’en fut rien, que nul part, diable ou sorcier, tint la main des gamins pour les conduire dans la rue en leur demandant de brûler. Je veux dire et jurer pour ce qui concerne ma conscience d’analyste et d’observateur, que depuis très longtemps, nous avons accumulé des injustices, des erreurs, des haines, des tares de toutes natures, au point de ne plus être qu’une poudrière en attente d’explosion. Je veux soutenir et pour cela, mériter si possible la potence, que nous n’en étions en cette fin du mois de février 2008, que dans les préliminaires des lendemains plus sombres, au regard de l’inconscience des gouvernants, et du jeu insalubre des courtisans malpropres qui conseillent le pouvoir absolu régnant.

Lorsque l’on a ainsi pris place dans l’histoire à l’envers, il vaut mieux s’excuser et s’en aller comme le firent de rares souverains en remords. L’art de promettre la chicotte et la guerre, n’a jamais fait que accélérer la perdition de ceux qui se trompent d’ennemis, d’époque, et de champs de bataille.

Par SHANDA TONME Le Messager 13-03-2008

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