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ETUDES CAMEROUNAISES
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13 novembre 2007

RUBEN UM NYOBE

Remember Um Nyobe : L' idéologue, le scribe, le mentor de l'Upc


Evocation de l’action politique et le combat de Mpodol dont la reconnaissance a longtemps tardé chez ses compatriotes.
Par Simon Nken *


Manager de l'Upc et idéologue d'une indépendance totale et inconditionnelle, Ruben Um Nyobé a inscrit toute son action politique dans le créneau de la légalité et de la pédagogie politique. Sous son influence l'Upc axa essentiellement son action sur une double démarche : enseigner et informer pour éclairer le peuple sur ses droits et ses devoirs. Plus tard, les analystes y percevront la marque de l'enseignant que l'homme fût un temps. En effet, le travail d'explication populaire ou d'éducation politique revêtit pour lui un sens particulier. Il insista pour que chaque dirigeant se forme personnellement par les études, la lecture et l'information permanentes. Et dans ce dessein, il organisa plusieurs sessions de pédagogie politique, notamment au travers de l'école des cadres du parti.

Dans un premier bilan, on peut dire de Um Nyobè que par sa trajectoire et son action politique, il fut le procureur qui intenta un vaste procès anticolonial contre la France et la Grande-Bretagne, au nom du peuple camerounais. En effet, le chef d'accusation de ce mouvement nationaliste fut désigné en langue bassa et restera célèbre sous la désignation Nkàà Kundè, qui signifie littéralement le procès de l'Indépendance ou the Trial for Freedom.
Pour Ruben Um Nyobé, l'indépendance et la réunification du Cameroun n'étaient pas négociables, et devaient constituer, par la libération des jougs politique, administratif et de l'influence culturelle, la condition sine qua non de tout progrès, de tout développement réels. Par la formulation de l'exigence d'une " évolution rapide et de l'élévation du standard de vie du peuple camerounais ", l'objectif nationaliste réunissait toutes les revendications populaires aussi bien politiques et culturelles qu'économiques et sociales.

Um Nyobé ne lassa ainsi jamais dans une ambiance blagueuse, de rappeler à ses camarades militants, que "L'indépendance passe avant le pain quotidien journalier (…) L' Upc l'obtiendrait" . On peut dire que Um Nyobè fut un passionnée de la liberté des peuples et de leur indépendance, tant pour lui la colonisation retardait toute conscience des destins et responsabilités nationaux, et par conséquent de libération des potentiels endogènes, qui créerait alors le progrès. . Mais plus que cela, Um Nyobé a mis toutes ses capacités intellectuelles et son expérience syndicale et administrative au service de l' Upc, et obséder sa vie entière par le projet d'un Cameroun libre. Pour J. Achille Mbèmbè, Rubèn Um Nyobè assuma pleinement une triple identité : il fut le scribe il fut le mentor , il fut le tribun , au service du peuple camerounais.

Ruben Um Nyobé a donc assumé avec un dynamisme et une abnégation exceptionnels ses responsabilités politiques de dirigeant du mouvement nationaliste camerounais. Il s'est illustré notamment par la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation citoyenne des populations et d'éducation politique des militants à travers le pays. Il apparut comme un tribun charismatique au cours de plusieurs meetings que l' Upc organisa ici et là dans l'ensemble du territoire . Par la création en 1954 à Douala de l'Ecole des cadres du parti, Um Nyobé a impulsé la pratique d'un empowerment permanent des militants et dirigeants politiques nationalistes, à travers la formation et le débat aux thématiques socio-économiques et politiques diverses, les plus actuelles. Responsable des affaires extérieures, des questions doctrinales et des études politiques au sein du Bureau politique, Um Nyobé dispensa lui-même des enseignements à l'Ecole des cadres, sur les divers thèmes tels que l'autocritique, la lecture comparative prospective de l'Administration coloniale et d'un gouvernement national, le Cameroun face à l'idée des Nations Unies , etc.

Ce fut un homme à l'esprit vif, toujours ouvert à la compréhension du monde qui n'hésita pas à appeler toujours les populations à la formation et à la culture intellectuelles. Au congrès de Dschang, il parla de la " Formation des militants et éducation de la masse, car l'UPC n'est pas une sorte d'Etat-major où l'on discute; c'est un mouvement de masse où les larges couches de la population doivent prendre conscience de leur rôle dans la lutte pour la libération nationale, dans la lutte pour la démocratie et la paix " .
Comme procureur du peuple, il a rédigé des tracts, signé des articles, fait des plaidoiries de toutes sortes, écrit des textes politico-idéologiques, etc. Um Nyobè dénonça avec un engagement constant et sans faille, le fait colonial et son injustice, mais surtout aussi l'obscurantisme intellectuel dans lequel il voulut toujours maintenir les populations indigènes .

Dans ses responsabilités de dirigeant de parti et de leader politique qui se destina d'assurer la réussite de la lutte de libération nationale, Um Nyobé dut très souvent user d'un tact remarquable pour minimiser les conflits d'influence au sein du mouvement nationaliste, apaiser les querelles de diverses origines, éviter en permanence la dispersion des militants par les provocations et autres manœuvres de distraction de l'Administration coloniale.
Mais il pensait aussi que de la légalité se soustrairait la violence. C'est dans ce sens qu'il invitait les militants de l' Upc à persévérer dans l'action pacifique. " L'Upc, disait Um Nyobè, obtiendrait l'indépendance, non par les armes, mais dans le calme et dans le cadre de la Charte des Nations Unies (…) Car la lutte armée a été menée une fois pour toutes par les Camerounais qui ont largement contribué à la défaite du fascisme allemand (…) La population camerounaise doit rester dans le calme. Mais rester dans le calme, s'enquit-il de préciser, ne veut pas dire se désintéresser de la chose de son pays (…) " . A court d'arguments et à la recherche de prétextes pour le combattre, ses adversaires politiques le qualifièrent de " suppôt du communisme " et de " rebelle marxiste ", affirmant qu'il présentait le danger de promouvoir le marxisme au Cameroun.

Même s'il participa aux cercles d'études sociales par où il approfondit entre autres les préceptes du socialisme, Ruben Um Nyobé ne vit aucune pertinence camerounaise de la lutte des classes ; il présenta clairement et sans équivoque la problématique de la libération nationale, de l'indépendance et de l'unité du Cameroun, et par conséquent la nécessité d'éviter toute confusion ou stigmatisation idéologique avec le communisme. Cela dit, l' Upc bénéficia d'un appui substantiel du Parti communiste français (Pcf), mais dans ces rapports entre partis, le secrétaire général sut aménager la distance entre la sympathie, la compréhension, l'amitié et l'appui, et l'identification idéologique structurelle. " On nous traite de communistes, observa un jour Ruben Um Nyobé. Or tout le monde sait que nous ne sommes pas une organisation communiste. Nous ne disons pas cela parce que nous détestons les communistes ou que nous avons peur d'être communistes, mais parce que nous considérons que la lutte pour notre libération nationale n'a pas à tenir compte de telle ou telle idéologie " .

Ainsi pour le Mpôdôl, au-delà de la sensibilité mutuelle que les luttes indépendantistes, anticolonialistes et de libération auraient eue avec les idéaux socialistes d'égalité, de justice et de solidarité, l'UPC se préserva jusqu'au bout de tout alignement, ne trouvant le besoin d'aucune appartenance particulière, ni procommuniste ni procapitaliste ou autre. Pour l'époque, Um Nyobé et ses pairs firent ainsi preuve d'un courage politique pour le moins remarquable, et surtout d'une vision efficace de l'Histoire. En effet, s'ils ne firent que rester conséquents avec la valeur en soi des objectifs que se fixa le mouvement nationaliste camerounais, on ne saurait méconnaître que la disqualification géostratégique internationale que le communisme connaît aujourd'hui leur a donné raison. Au début de l'année 1956, contraint et entraîné vers la violence par la force des circonstances et l'efficacité stratégique de la puissance coloniale française, Ruben Um Nyobé fut reclus dans le maquis d'où il coordonnait, tant bien que mal, l'action armée du Comité National d'organisation (Cno), parfaitement conscient des rapports de force, essayant comme le montre son incessante correspondance avec diverses personnalités , de trouver les voies et conditions d'un combat juste, essentiellement politique.

Mais avisées des difficultés que le projet colonial rencontrerait sur le terrain politique, les autorités françaises entretinrent la stratégie de la manœuvre qui obligèrent Um Nyobé à l'intransigeance qui lui coûtera la vie. Rubèn Um Nyobè fut tué le 13 septembre 1958 dans la forêt de Boumnyébél, par une patrouille d'élite des troupes françaises.
Plus tard, l'Administration coloniale française et les forces armées ne manquèrent pas de reconnaître en lui un homme " intègre et honnête " .
A New-Bell, quartier populaire de Douala, ou partout dans les villes et villages du Cameroun, enfants et adultes composèrent des hymnes à la gloire du Mpodol, chantèrent les louanges d'un maquisard devenu héros, par reconnaissance et respect pour le martyr de l'indépendance de la nation . L'impact de cette personnalité sur la conscience collective populaire a construit même une légende qui a fait de Um Nyobé une sorte de messie, immortel.

Le patriote et nationaliste qui appelle aujourd'hui au sursaut
Le nom de Rubèn Um Nyobè revêt une grande densité psycho-symbolique. A l'exemple de tous les pays qui ont émergé, il doit être bâti comme le repère inoubliable de la conscience citoyenne et du mouvement de l'Etat au Cameroun. C'est cette référence forte et permanente qui doit garantir et légitimer l'appartenance nationale, l'adhésion et la participation des populations à l'Etat, la culture de la république, la gestion quotidienne de l'Etat, et la création du développement.
Le Cameroun paie aujourd'hui le défaut de cette véritable assurance historique. Elle doit être présentée partout, enseignée à l'école, l'éducation citoyenne doit reposer sur elle, pour espérer les premiers résultats d'une amorce durable dans la vingtaine d'années. Autrement, la fatalité de l'échec actuel est irréversible et ira s'empirant. Et qui veut assumer cette perspective de mort ?

Um se présente donc comme une chance. Le sens de sa personnalité représente l'élément dynamogène le plus éminent de transformation de notre destin. Construite par la force de l'œuvre politique, mais aussi paradoxalement, par une histoire néocoloniale négationniste coupable et embarrassée à laquelle nous avons jusque-là participé, l'énergie référentielle à Um Nyobè n'a pu être étouffée ; elle a sans cesse augmenté avec le temps. La seule évocation de son nom glace le sang, suggère la méditation, et interpelle la culpabilité d'une domination embarrassée par l'échec.
Mais la signification de cette éminente incarnation de l'orgueil, de la fierté et de la volonté d'épanouissement de chaque Camerounaise et Camerounais, demeurent aujourd'hui encore confuse dans la conscience, l'esprit et l'âme du peuple auquel il faut enseigner instamment le sens de ce que Um Nyobé est le vrai fondateur d'un Cameroun nécessaire et légitime.

Par la situation actuelle du Cameroun, l'histoire réclame avec insistance sa dette. La réhabilitation historique et la consécration civique nationale de la figure de Um Nyobé se veulent la valeur de paiement de cette dette. Il s'agit là d'un devoir et d'une exigence politique qui ne s'embarrasse d'aucun autre par comparaison. Aujourd'hui plus que jamais, Rubèn Um Nyobè doit constituer la référence idéologique et opérationnelle d'une refondation plus que non-négociable de l'Etat : l'actualité d'une prise en charge définitive de son inscription définitive dans la conscience nationale ne s'était jamais posée auparavant avec autant de nécessité et de pression, pour provoquer le sursaut salutaire d'abord pour la survie, et puis pour la vie du Cameroun.

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